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105 Quoi faire quand tout s’écroule ? conférence du 20 janvier 1999

Pour tous ceux et celles qui n’ont pas eu la chance d’assister au Cabaret Mystique d’Alexandro JODOROWSKY

L’électricité a été coupée dans le dojo.

Le thème d’aujourd’hui, c’est quand tout s’écroule ! Et voilà que tout s’est écroulé mais comme je ne peux pas vous voir (généralement je lis ce que vous pensez) alors il va falloir que je dise ce que moi je pense ! Ce que j’ai à dire ce n’est pas personnel et je vais vraiment parler de « quoi faire quand les choses vont mal ». Parce que les choses s’écroulent. On ne peut pas vivre en pensant que tout va se passer comme on le veut. Parfois c’est le couple qui s’écroule, parfois l’être aimé meurt, parfois on pique une maladie grave, parfois on perd de l’argent. On est toujours menacé. Alors comment vivre avec cette menace continuelle et comment prendre cela comme une énergie pour vivre mieux encore. Alors si la conférence se fait dans l’obscurité peut-être cela va nous faire du bien car vous allez écouter ce que je dis sans contrainte, sans projection paternelle et je suis comme un être abstrait, c’est formidable. L’ego est effacé.

Une petite histoire initiatique qu’on m’a racontée comme une blague :
Il y a un homme de 40 ans qui est dépendant de sa Maman, le jugement de sa Maman est très important. Il se met à vivre avec une femme et il invite sa Maman à son appartement, lui fait à diner et sa Maman dit « cette femme, c’est ta maîtresse ? »

  • non, non, pas du tout. Nous avons loué l’appartement ensemble, elle a sa chambre, moi j’ai ma chambre. C’est une amie, voilà tout.

Le lendemain sa femme lui dit « écoute, je ne sais pas si ta Maman est cleptomane ou pas, mais la louche en argent a disparu.
Alors il est très embêté et il écrit à sa Maman : Maman je ne sais pas si tu as pris la louche ou non, mais au cas où tu l’as prise, dis-moi où elle est.
Sa Mère lui envoie une lettre lui disant :« mon fils, je ne sais pas si tu as une maîtresse, si tu dors avec elle ou si tu ne dors pas avec elle. Mais si tu veux retrouver la louche va la chercher sous les draps de son lit »

Cela voulait dire que si la femme ne trouvait pas la louche que la mère avait mis sous les draps c’est que la femme ne dormait pas dans son lit mais avec son fils..

On pourrait se demander pourquoi il n’a pas dit à sa Maman qu’il avait une maîtresse, pourquoi il a caché sa sexualité à sa Mère. Quelque part cela arrive tout le temps, dans les Arbres Généalogiques on a un destin que l’Arbre nous fabrique et parfois on fait une fixation sur sa Mère qui contrôle la sexualité quand elle a beaucoup souffert avec l’homme. La Maman de Maman a eu 10 enfants et sa fille aurait voulu être un garçon pour faire couple avec sa Mère qui déteste l’homme. Alors le garçon ne peut pas grandir car sinon il devient un homme et pour être aimé il joue l’enfant et cache sa sexualité devant Maman.
Pour s’en sortir il peut, par exemple, faire couple avec une personne d’une autre race que sa mère, car les femmes comme sa mère sont interdites.
Pourquoi je vous raconte, cela, je ne sais pas...c’est l’obscurité, l’inconscient.

Comment faire quand les choses s’écroulent, devant cette menace constante, pour accepter que la réalité n’est pas comme on la veut.

C’est le premier pas qu’il faudrait faire. Les personnes que je connais sont ma douleur ou ma contrainte. La personne qui est à côté de moi c’est mon dérangement. Ce n’est pas ma réalisation car je veux que cette personne me soutienne, me réalise etc...mais je n’arrive pas à trouver l’être parfait pour m’accompagner. Ce n’est pas possible car l’unique être parfait qui peut t’accompagner c’est toi-même et si tu le cherches à l’extérieur tu ne ne trouves jamais. Si tu n’es pas un peu avec toi-même tu ne seras pas un peu avec un autre.

Quoi faire ? Je vais vous dire une chose qui est très très importante. C’est très difficile de la pratiquer, mais cela sera bien que je vous le dise et que je me le dise à moi parce que si je parle c’est pour apprendre, ce n’est pas pour enseigner. Chaque mercredi j’apprends de ce que je dis en contact avec vous. Ne croyez pas que je vous donne une leçon, je me la donne aussi. Comment faire pour vivre bien, comment faire quand mon homme est à l’hôpital entre la vie et la mort. Et si cette personne qui est entre la vie et la mort t’appelle et veut te voir, qu’est-ce que tu vas lui dire ? C’est important savoir quoi dire, c’est important savoir accompagner un malade, qui se débat entre la vie et la mort, c’est important de calmer la famille de cette personne. Qu’est-ce qu’on va leur dire.

La première chose que cela nous produit c’est la peur qu’il nous arrive la même chose. Alors première chose à faire c’est accepter que l’on a peur. Pas lutter contre la peur. Dans toute la Nature la vie animale a peur car elle est constamment menacée. Tu vois un chat, tu fais un geste brusque, il saute, il a peur. Les animaux vivent avec la peur, tranquillement, courageusement. Nous, non. Nous ne voulons pas avoir peur, nous ne voulons pas la voir. Le premier pas à donner pour être bien, aider et tout le reste, c’est accepter que l’on a peur. Généralement la peur c’est la peur du futur, elle est toujours dans le futur, jamais dans le présent. Parce que quand la menace se fait présente, cela devient une véritable joie. Dès que tu rentres dans la bataille, la peur finit car tu es tellement pris par les évènements que la peur n’a pas de place. Tu dois te défendre. Donc la peur sera toujours dans le futur, même dans une seconde, mais c’est une projection vers le futur. La première chose c’est assumer la peur. Quelqu’un te dit « tu es lâche ». Bien sûr, j’ai peur et alors ? Toi aussi tu as peur. Tu me dis lâche pour que j’arrête d’être lâche parce que tu as peur de te trouver avec un lâche.

Une fois que j’accepte la peur, je me dis « qui a peur ? ». Et celui qui a peur c’est mon ego. Ce n’est pas mon être essentiel, mon être vivant ne peut pas avoir peur car il est fait de la même conscience que sont faites les étoiles et l’univers. A l’intérieur de moi c’est vraiment un paradis, il n’a pas peur, mais mon ego a très, très peur. Le Christ n’avait pas peur, les 12 apôtres étaient toujours plein de peur. Ils le trahissaient, ils s’échappaient, quand ils étaient sur la Montagne ils disaient qu’il y avait 5000 personnes et comment on va les nourrir, on n’a que 5 poissons et 3 pains etc...Le Christ leur dit « partagez, en partageant vous allez avoir des milliers de pains. Dès que vous avez peur vous ne partagez pas. A la Vierge Marie il dit « n’aies pas peur ». Dès qu’il lui enlève la peur elle devient sur humaine, parce que tous les êtres humains, même la Vierge Marie dans l’Évangile ont peur. C’est l’ego qui a peur. C’est un organisme que nous avons, une image de nous-mêmes qui a peur parce qu’il n’est pas divin.

De quoi est formé l’ego ? Quelle est la matière essentielle de l’ego ? Ce sont les opinions. Ce qui est incroyable c’est que l’on ne peut pas ne pas avoir d’opinions. Mais le problème c’est que nous pensons que nos opinions sont la vérité. C’est possible que nos opinions concordent avec la vérité. Oui c’est vérité que Pinochet est un dictateur, qu’il a tué 3000 personnes et qu’il faut le juger. Mon opinion, c’est la vérité ! Oui c’est la vérité pour moi, mais il y a 50% de chiliens qui disent que c’est un héros, qu’il a sauvé le pays du communisme. Les salauds ont des opinions contraires à moi. Toujours vos opinions vont se heurter à des opinions contraires. Cela veut dire que mes opinions sont ma réalité, c’est la première chose que je dois accepter, vraies ou pas vraies. Subjectivement. Cela ne peut pas être mauvais d’avoir des opinions car on ne peut pas enlever l’ego. Cela ne va pas quand on n’est que nos opinions. Il faut se sentir comme un ciel bleu et voir nos opinions comme si c’était nos nuages à nous, qui viennent, qui vont, qui grossissent, qui diminuent. Il faudrait les voir d’une façon détachée. C’est bien car sans opinions on ne vit pas. Dans le soufisme on dit que si tu as des opinions tu dois les dire à tout le monde. Si tu ne peux pas le dire à tout le monde tu dois le dire dans ta ville, ou si tu ne peux pas dans ta maison , si tu ne peux pas enferme-toi dans ta chambre et dis tes opinions à toi-même. Mais tu dois connaître quelles sont tes opinions.

Mais le grand grand malheur c’est quand nos opinions sont accompagnées d’agressivité, de rancune et d’énormes défenses pour défendre mes opinions. Voilà les trois graves défauts. Cela ne sert à rien si j’entoure mes opinions d’agression car je vais créer les réactions des personnes qui ont des opinions différentes des miennes, agressives aussi. A chaque moment je vais semer le combat, l’agression, l’incompréhension. Si on veut que le monde progresse je dois présenter mes opinions tranquillement et je dois laisser les autres exprimer leurs opinions même si c’est complètement différent des miennes. Sans aucune agression, je dois avoir mes propres opinions. Sinon le monde va vers la destruction, la famille, le couple, l’école vont vers la destruction. Nous allons vers la destruction. Je dois avoir des opinions sur un ciel qui a tout pardonné. Il faut danser avec les opinions contraires.

Mes opinions ne me servent pas à m’affirmer moi-même. Je ne suis pas mes opinions, je suis un être sans définition, mon être essentiel est impersonnel et je perds mon temps à affirmer mes opinions comme si cela dépendait de ma vie.

Ce que je dis c’est vraiment une utopie. Mais l’ego se fâche car il défend tellement ses opinions que s’il se trouve avec d’autres opinions il sent qu’il est en danger de disparition, qu’on l’affecte. Si une personne affirme ses opinions, si on lui enlève une opinion c’est comme si on lui enlevait un testicule ou un ovaire. « Tu m’attaques dans mes opinions, tu me démolis et tu m’affectes et j’ai raison » Vous connaissez cela bien sûr, c’est hyper connu !

L’être humain est ingrat : c’est une opinion. Non il n’est pas ingrat ! D’accord il n’est pas ingrat, on ne va pas discuter. Voici mon histoire préférée :

C’est un journaliste qui interviewe un petit vieillard :

  • vous êtes très vieux, est-ce que vous avez une méthode ?
  • oui, oui, j’ai une méthode
  • quelle votre méthode ?
  • jamais je ne contredis personne..
  • mais ce n’est pas possible !
  • oui, oui ce n’est pas possible !

J’ai un ego éléphantesque car je suis un acteur. En ce moment je prépare une pièce de théâtre avec toute ma famille et je calcule au centimètre près que tout le monde ait la même quantité de rôle, la même quantité de mots, la même quantité de présence. Nous sommes tous pareil. Je suis pareil aussi, je me défends : quand on me dit une opinion contraire à la mienne je sens monter en moi une colère : on ne me respecte pas, on m’emmerde etc. Mais j’ai fait un progrès car au lieu de dire que je n’ai pas ces sentiments je les laisse venir. L’amour romantique au plus haut degré c’est quand l’homme ou la femme que tu aimes pète et que tu lui dis que cela sent mauvais... mais tu ris. Je laisse venir mes sentiments, je les hume mais à un moment donné il y a quelque chose en moi qui me fait sortir de mon ego et dire « oui tu as raison ». « Tu veux une excuse ? Excuses-moi. Tu veux un cadeau, voilà ton cadeau, tu veux que je signe ce contrat, je signe ce contrat. » Je fais le saut et c’est fini. Je me désintéresse absolument d’affirmer mes opinions car je peux accepter complètement les autres opinions, faire toutes les concessions du monde et continuer à être moi-même. Je suis en paix. C’est la vérité. Je lâche mes opinions et cela n’a aucune importance car tout ce qui arrive est une merveille.

Il y avait cette famille qui tenait à l’honneur de la famille parce que le fils allait être un guerrier mais tout d’un coup il se brise les jambes. Tous les autres garçons partent à la guerre et son tués. La contrainte est devenue une merveille, même la plus terrible, comme la perte d’un être aimé.

Dans la perte d’un être aimé notre ego se brise, car la mort de l’être aimé c’est la nôtre et on est détruit. Comme un miroir qui se casse. A ce moment là il y a Dieu, quel qu’il soit, la Nature humaine, et courage. Cela fait mal. On tient, on tient et les jours passent et on tient et au fur et à mesure que la blessure se ferme comme on peut. Ton moi se reconstruit, mais comme s’il était passé par un athanor, par le four alchimique, tu es transformé, tu deviens beaucoup plus fort et beaucoup plus réel. Pour te rendre compte à la fin que rien ne disparaît, que tout est en toi. Ce que tu as perdu est à l’intérieur de toi, c’est dans toi.

Alors quoi faire ? La personne est malade, couchée et tu lui dis « relâche toi, accepte, ne lutte pas. Tu as peur ? Accepte la peur parce qu’à l’intérieur de toi il y a un centre divin qui ne souffre pas, qui est dans la grande paix. Alors si la vie va finir, accepte. C’est de l’acceptation que vient la réalisation. Accepte ce qui se passe dans toi.

Acceptons notre imperfection. On n’est pas obligé à être parfait, à être dans un bon état. Je ne suis obligé à rien. L’unique clé du bonheur, c’est le présent, ce que je suis, là. Par exemple : il n’y a pas d’électricité dans le dojo ce soir, il n’y a pas de lumière. Accepte, continue courageusement. Tu rates ta conférence ? Tu la rates. Accepte parce que ce ratage va être bon pour toi. Tu as essayé, tu as fait tout ce que tu pouvais. Va tranquille, accepte le présent.

Alors on rentre dans un état présent de paix comme un navigateur solitaire qui va dans l’océan et malgré les vagues énormes il avance sans savoir vers où car il ne s’est pas proposé un port d’arrivée. Il n’a pas un plan. C’est comme LE MAT du TAROT : tous les chemins sont ses chemins, IL n’a pas de but, IL avance courageusement avec l’instant qui se présente comme il se présente et cet instant est d’une beauté inouïe si on l’accepte. J’ai juste, en ce moment présent, une grande responsabilité : vous venez m’écouter, je ne dois pas parler de moi mais de ce qui vous intéresse, de notre bonheur, de notre réalisation, comment trouver une solution à nos problèmes, car autour du présent il y a plein de problèmes. Il y a des personnes qui se suicident à 30 ans parce qu’elles ont peur de vieillir. Moi à 70 ans je peux dire qu’il y a 40 ans qu’on me fait des cadeaux. Il y a des personnes qui économisent toute leur vie pour quand elles vont être séniles. Mais être sénile cela dure une année et tu économises pendant 80 ans ! Incroyable. Il y a des personnes qui économisent un petit appartement tout étroit pour leurs vieux jours. Avoir une chose, sans se faire confiance que dans 20 ans elles peuvent avoir un palais. Ils se projettent le présent dans le futur.

J’avais amené pour aujourd’hui des belles histoires : 10 phrases d’un grand poète argentin inconnu. C’était un homme qui vivait à Buenos Aires, Antonio Porchia qui s’est illuminé et a commencé à écrire des phrases initiatiques. Personne n’a voulu le publier et l’unique personne en France qui a vu que c’était le plus grand poète de la langue espagnole, c’est André Breton. Il l’avait invité à venir à Paris mais il n’a jamais voulu sortir de chez lui. Alors les jeunes de toute l’Amérique du sud ont photocopié ses livres et les ont donné dans toutes les universités. C’est comme un initié.

L’autre jour en rangeant mes livres de poésie dans ma bibliothèque mes livres tombent et apparaît la photocopie du livre de Porchia. J’étais avec un éditeur italien et je lui dis « Porchia, peut-être il est italien, c’est peut-être le grand poète de l’Italie. Je connais un poète au Mexique qui le connait et il pourrait t’écrire quelque chose. J’écris à ce poète du Mexique qui me dit « incroyable ! Maintenant l’université publie tous les poèmes de Porchia et tu viens me demander un prologue juste quand je suis en train de le faire. » Et voilà qu’il a envoyé le prologue, le livre et cela va sortir en Italie ! Ceci pour vous dire que je conçois que la réalité marche comme une danse.

Je ne connais pas par cœur les phrases de Porchia sauf une seule dont je me rappelle. La voici

« ils te doivent la vie et une boite d’allumettes et ils t’envoient un chèque pour la boite d’allumettes parce qu’ils ne veulent rien te devoir. »

Elle est profonde. Cela veut dire qu’ils te doivent la vie et une boite d’allumettes qui est quelque chose d’objectif, de précis. Ils voient bien le détail mais pas tout le reste que tu as fait, seulement ce qui leur convient. C’est l’ego qui ne veut rien devoir mais l’ego ne se rend pas compte de tout le reste que l’on fait pour lui. L’univers nous tient vivant, quelle merveille d’être vivant

A la personne malade qui est devant toi dis lui « courage, ne te défend pas, en toi il y a un centre vivant, accepte une fois pour toutes qu’en toi il y a une chose qui est plus grande que ton ego. Rentre là et observe ce théâtre. Regarde comme tu es. Tu ne peux pas parler, mais prie »

« je suis à toi,
j’ai confiance en toi,
tu es ma joie ».

Veux-tu vivre ? Oui ! Alors, guéris, arrête le théâtre de te détruire. Mais tu ne peux pas guérir comme une personne, tu peux guérir comme un bodhisattva. Tu guéris quand tu deviens impersonnel. Cette maladie n’est pas moi, donc elle n’est pas à moi. Comme il ne pouvait pas parler je lui ai dit « tu vas dire 4 mots : Papa, Maman, moi, Dieu » Tu acceptes le Père universel, tu acceptes la Mère universelle, tu acceptes que la vie est le produit du Père et de la Mère universels, LE SOLEIL et LA LUNE, tu acceptes en toi un principe divin. Je ne parle pas en termes de gourou, d’un Dieu tibétain, d’un Dieu chrétien, d’un Dieu islamique. Non, je parle d’un principe divin qui est en nous, qui va même plus loin que la divinité que l’on connaît. Nous sommes unis à l’univers. Alors pourquoi ne pas se remettre à ce principe. L’ego toujours oublie ce principe, il veut défendre son opinion.

  • Si dieu est partout, il doit s’ennuyer terriblement dit un disciple.
  • Oui répond le maître, il est partout mais il y a un seul endroit où il n’est pas et cela l’amuse.
  • Et où est-ce qu’il n’est pas ?
  • Dans toi !

Alors notre refus de la totalité c’est l’amusement de la totalité car c’est un refus tellement subtil, tellement raffiné, que la totalité a un grand plaisir de notre révolte. Mais à la fin elle nous avale. Alors si on rentre dans le présent dans la totalité, on va très bien. Si on ne rentre pas dans la totalité parce qu’on a peur du futur ou on regrette le passé, c’est un drame. Tout est pour le bien !

Il y a une personne, dans une tempête de neige, qui a photographié un par un chaque flocon de neige. Il a photographié 2000 flocons de neige. Il n’y a pas un seul flocon de neige qui soit pareil à l’autre. Ce sont tous des hexagones, mais tous différents. Chaque goutte de pluie est différente, chaque fourmi est différente, chacun de vous est complètement différent et pourtant dans l’obscurité ici, vous et moi, nous sommes un, un seul corps, dans le néant de l’obscurité nous sommes là, on va de conscience à conscience et on va former cette merveille qui est la vie.

Je ne peux pas aller plus loin aujourd’hui car le fait que la conférence se fasse dans l’obscurité me prive du plaisir de faire des blagues. Mais je voudrais parler d’une chose très personnelle, puisqu’on a parlé de l’ego, c’est qu’à la fin de chaque conférence, il y a 20 ans que je fais cela, j’ai décidé que quelqu’un fasse l’aumône comme dans les églises, sans forcer personne à donner. Alors on sort et on donne.
Princièrement parce qu’il y a de petites dépenses ici : je dois payer 200 frs le garçon qui est à l’entrée, je dois inviter deux ou trois personnes qui viennent, je dois acheter quelques livres. Quelques petites dépenses. On ne donne jamais beaucoup, je n’étais jamais riche dans ces 20 ans. Parfois je fais cadeau complètement de la collecte à un de mes fils ou à un ami qui est dans le besoin. Mais ce qui est important c’est que dans les 20 années il y a beaucoup de personnes qui ont donné 10 ou 20 centimes. Alors je me demandais pourquoi, qu’est-ce qu’ils pensent, est-ce que pour eux c’est une somme importante, est-ce qu’ils sont complètement pauvres ? De quoi s agit-il ? Parce que je travaille le remerciement.

« Il y a deux moines et l’un dit :

  • je ne sais pas pourquoi je suis tellement mécontent, et je demande, et je demande, et je demande...
  • tu es mécontent parce que tu demandes. Moi je suis très gai parce que chaque fois que j’arrive au temple, je dis merci, merci, merci. Je viens remercier ce qu’on m’a donné, je ne viens rien demander »

Alors le remerciement est intéressant. Si je vis avec toi, je suis prêt à remercier tout ce que tu fais, mais je ne peux pas passer la journée à guetter sur ton visage tout ce que tu ne fais pas et que je te demande. C’est l’infélicité totale.

Une autre histoire :

« il y a deux moines, l’un qui est entouré de lapins et l’autre non.

  • oh ! Tu es entouré de lapins, ils sont si beaux, et moi jamais, il n’y en a pas un seul qui vient avec moi. Quel est ton secret ?
  • c’est très simple : mon secret c’est que je ne mange pas de lapins. »

Alors quand je lis les Tarots au café je demande qu’on me mette merci dans la main. C’est gratis, mais j’habitue la personne à remercier, parce que si tu reçois une chose et que tu ne remercies pas par un acte (c’est facile de dire merci par la parole..), mais il doit y avoir un échange. Avec la vie il faut la remercier pour la vivre bien, pour ce que la vie te donne. Tu dois remercier pour ta santé. Quand je tenais la main de cette personne mourante je lui ai dit : « de la même façon que je te tiens la main, de la même façon quelqu’un me tiendra la main. » C’est une chaîne que l’on fait. Ce qu’on donne on te le donne et ce que l’on ne donne pas on se l’enlève. Le remerciement dans la thérapie, pour moi, est essentiel. Parfois il y a un billet de 50 frs : génial. Mais la théorie c’est que l’on se sent obligé à donner quelque chose. Alors on donne 10 ou 20 centimes en sachant que c’est inutile pour avoir la conscience tranquille. J’ai donné. Donc on se trompe à soi-même. Alors il vaut mieux ne pas donner pour assumer qu’on est avare, qu’on a rien à remercier, qu’on n’a rien reçu. Assumer la chose. On ne donne rien.

L’Apocalypse dit « parce que tu es tiède je t’éjecterai de ma bouche. Si tu étais chaud ou froid je t’avalerais. »

Cela va exactement avec ce que je vous ai dit au commencement. Dans la recherche de soi, il faut s’accepter comme on est, sans honte.
« Maman je ne couche pas avec cette femme. »
Ce n’est pas vrai.
« Maman, je couche avec cette femme » Sans honte.
Maman, je suis homosexuel, sans honte. Je suis lesbienne, sans honte.

C’est de sa faute, ce n’est pas la mienne. Il vaut mieux vivre dans la vérité que dans le mensonge.
Je n’ai pas envie de donner, je ne donne pas.

Marpa a été très poursuivi par son Maître, car Marpa disait qu’il était un saint et son Maître chaque fois lui ôtait son masque de se sentir saint. Il parlait de la bonté humaine et quand il y avait un chien galeux, il fuyait. Alors une chose c’est le masque et le mensonge que l’on fait à soi-même et une autre chose c’est la réalité de la relation. Moi je me rends comte que je suis hyper défectueux parce que comme mon Père adorait ma sœur et que ma Mère aussi ne m’aimait pas, chaque fois qu’on déjeunait le plus grand morceau de poulet c’était pour ma sœur. Alors jusqu’à maintenant je surveille, œil ouvert, que quelqu’un ait un morceau plus grand que moi ! Parfois je dis « donne-moi ton plat », et je change . Si maintenant je me réincarnais je dirais devant un gâteau « moi je coupe » et je couperais un gros morceau et un petit et je dirais « toi, choisis. » C’est ce que je ferais. Je serais capable, maintenant de faire un sacrifice. Je crois !... Mais ce qui est bon c’est de se surveiller : ses opinions, comment on réagit, ne pas en vouloir à l’autre parce qu’il réagit, parce qu’il a des opinions qui te déplaisent. Laisser l’agression, laisser l’autre s’affirmer dans ses opinions. Avoir simplement, tranquillement ses propres opinions, et cela suffit.

J’ai fait un poème qui dit : « pour attraper l’oiseau du mystère, il faut arrêter de vouloir l’attraper »

Quand on veut obliger l’autre à avoir nos opinions on s’en fait un ennemi, on le fatigue, on devient chiant pour l’autre. Tandis que si on a un peu nos opinions, tranquillement, on vit nos opinions. Je vis ma vie tranquille sans m’opposer à l’autre. Les guerres sont des guerres d’opinions, mes amis. En Israël se sont des guerres d’opinions : on se bagarre pour Jérusalem. Je vais dire une énormité en m’excusant à toutes les religions du monde . Jérusalem c’est Disney Land. Tu peux louer une croix et faire le chemin de Croix du Christ qui a été inventé au XVIIème siècle. Véronique n’a jamais existé, Que Christ qui tombe trois fois, cela n’a jamais existé etc...Il y a le lieu ou Joseph était charpentier, ou Christ est né. Il y a un rocher où Mahomet est parti vers d’autres mondes. Mais ce qui était terrible c’est que ce rocher sacré sentait la pisse ! Il y a le tombeau du Christ, le Mur des Lamentations. On se bagarre à mort pour des mythes, une métaphore merveilleuse, ce sont des opinions.

Ecoutons le bruit de la pluie qui est en train de tomber. Comme c’est beau. Le bruit de la pluie est dans le présent. Dans l’obscurité on est content, on est tranquille, rien ne nous arrive, on parle de choses spirituelles, on a mal aux fesses (les gens sont assis par terre dans le dojo), quelle merveille !

Une question de Denis Patouillard : « est-ce que tu peux parler de la synchronicité ? »
Alejandro : oui. C’est Jung qui en a parlé. Un exemple : il se promenait avec un patient qui avait rêvé de renards et tout d’un coup, pendant que ce patient racontait son rêve de renard est arrivé un renard qui les a accompagnés dans la campagne où ils se promenaient et quand il a fini de raconter son rêve, le renard est parti.
On dit en général que la cause produit des effets mais d’une façon incroyable il arrive que les faits viennent avant la cause, c’est comme dirigé par le futur. Theillard de Chardin a dit « Dieu est dans le futur, on est en train de le créer. » Dès que tu penses à une personne, la personne t’appelle parce qu’on est unis. On peut dire que la réalité est comme une danse « La danse de la réalité ». Toute rencontre d’un couple, c’est la synchronicité merveilleuse. Je vous ai raconté l’histoire de cette femme qui s’est jeté par la fenêtre pour se suicider et qui était tombée sur un homme qu’elle a écrasé. Il l’a conduite à l’hôpital et sils se sont mariés.

La synchronicité cela signifie que l’on est absolument et complètement unis et que dans le présent, le passé et le futur sont actifs en même temps. On ne suit pas une ligne droite, c’est une interaction des éléments, des forces. Cet événement présent qui se produit est toujours de nature magique, il n’est pas rationnel. Il n’y a pas d’évènements rationnels, cela n’existe pas. Le rationnel c’est ce qui est fou.

Par exemple mon histoire avec Ouaknin qui a écrit « Le livre brûlé ». Il y a 30 ans je vais à la librairie française au Mexique et un vieux juif s’approche et me demande si je voudrais acheter une Bible en français traduite directement de l’hébreu. Je ne sais pas pourquoi, je lui ai dit « oui » bien que je ne m’occupais pas de la Kabbale à cette époque. Je vais avec lui à son appartement plein de livres et il me sort 20 petits volumes reliés datés de 1700. Je les prends et je me promène avec ces livres pendant 20 ans. Mais ils me prennent une place énorme et je ne l’es ai jamais lus, en plus. Alors je dis à Antoine d’aller dans une librairie de livres anciens et de voir combien ils valent car je les ai payés très cher. Il me dit qu’on peut les vendre cher mais qu’il y a Ouaknin, le rabbin, qui cherche ces livres parce qu’il veut rééditer ce livre et il ne le trouve pas. Je téléphone à Ouaknin que j’admire beaucoup pour ses livres « Le Livre brûlé » « Bibliothérapie » etc. et quand je lui dis :

J’avais la théorie que je voulais fabriquer un miracle pour quelqu’un. Et quand il me demande le prix, je lui dis « 1 franc » et vous me signez un reçu pour mes impôts.

et là le miracle est arrivé à moi car il me dit que c’était le Maître perdu de Levinas, l’élève de Chouchana qui était parti au Mexique, un savant incroyable qui a marqué toute la Philosophie française, un espèce de clochard illuminé. Le miracle c’était qu’avec 20 ans d’avance il a su que moi j’allais donner ce livre à quelqu’un qui allait le publier en France. Ouaknin a mis ses remerciements dans la Bible qu’il a publié et j’étais ravi. Et l’autre soir viens me voir Arrabal qui revenait d’Israël qui me dit qu’il s’était trouvé dans un groupe de rabbins à l’université et qu’il y en a un qui lui a demandé si je te connaissais. C’était Ouaknin qui lui a raconté cette histoire. Quatre ans plus tard il était encore frappé par cette histoire, qu’on lui avait vendu une Bible pour 1 francs !

La synchronicité commence à agir quand tu ouvres tes yeux et que tu peux fabriquer toi-même des miracles pour les autres et quand tu fais un miracle pour les autres, le miracle te revient. Donnant/donnant. Quand je donne, je reçois.

Nous avons des destinées dans l’Arbre Généalogique. Les maladies se reproduisent dans trois ou quatre générations, les divorces se reproduisent, les cancers se reproduisent. Mais dans ton Arbre tu as deux opportunités tout d’un coup qui n’ont rien à voir avec ta destiné. L’un c’est la comète qui amène des anti corps et qui améliore tout ce qui va mal dans la planète. Il y a l’inattendu qui peut arriver d’un moment à l’autre dans notre système solaire. Une comète, quelle merveille. Dans ton arbre Généalogique tout d’un coup, vroum ! , arrive un personnage qui n’a rien à voir avec ton Père, rien à voir avec ta Mère et ta famille, et ta vie change. C’est possible une rencontre merveilleuse. Toujours on attend cette rencontre. Mais certaines personnes névrotiques n’acceptent pas la rencontre merveilleuse et pensent que tu dois être complètement programmé et dès qu’arrive la chose qui peut te sauver tu rentres avec beaucoup d’enthousiasme dans la comète et après tu commences à la démolir tu te retrouves dans le même m..... que d’habitude. Dans la dépression, le suicide, la non réalisation. Tu n’as pas su vivre la comète.

Aussi il y a des astéroïdes. Ce sont des planètes qui ont raté et qui ont éclaté. Plaf ! Un énorme morceau de ratage arrive. Par exemple c’est ce qui est arrivé avec les dinosaures. C’est à dire que tu vas à peu près bien, par exemple, tu fais une rencontre et cet individu rentre dans ta vie avec toute sa dégénération, sa poubelle psychologique et tu dois accepter tous ses détritus. Pendant un moment tu te défends, tu nettoies, tu nettoies. Mais il y un moment où les déchets te tuent. Tu ne devrais pas être détruit, mais tu payes une énergie barbare. Le côté positif c’est que si tu es indestructible tu commences à te défendre. C’est un immense défi et en nettoyant toutes ces ordures tu te nettoies toi-même et cela te construit.

cassette enregistrée et prêtée par Denis Patouillard Demoriane.
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